A la naissance, j’étais inquiète pour la santé de mon enfant car j’avais eu une grossesse difficile (malaise suivi d’une chute à plat ventre au 6ème mois de grossesse puis alitement dès le 7ème mois). Les médecins m’ont rassurée : “tout va bien Madame, votre bébé va bien”. Nous sommes sortis de la maternité confiants. Mais dès le 4ème mois de vie de l’enfant, nous avons commencé à nous interroger : notre enfant ne s’intéressait pas aux jouets qu’on lui proposait, il était anormalement calme, au 6ème mois, il n’esquissait pas la volonté de tenir assis. Notre médecin généraliste, qui suivait l’enfant, nous a orienté chez un pédiatre qui a diagnostiqué un léger retard et quelques séances de kinésithérapie. “C’est un beau bébé, il lui faut un déclic et tout rentrera dans l’ordre”. Nous l’avons également inscrit aux bébés nageurs. C’est là que nous avons rencontré une psychomotricienne qui nous a parlé du CAMPS. Notre fils tenait assis vers l’âge de 1 an.
Le CAMPS a été la révélation, une étape où nous avons été bien accompagnés et où nous avons découvert que notre enfant était porteur d’un handicap, a priori neurologique. Il a maintenant 16 ans, le déclic n’est pas venu et dès l’âge de 7 ans nous avons fait le choix de le placer en structure. (Entre temps, parallèlement à ses prises en charge au CAMPS, il a fréquenté une classe maternelle unique avec des horaires aménagés en fonction de la présence de l’AVS. La maman a eu la chance de pouvoir aménager ses horaires et de travailler à mi-temps pour accompagner au mieux l’enfant. Là, il fallait jongler entre la nourrice, le CAMPS et l’école. Petit, trouver une nourrice, n’a pas été chose simple. Actuellement, c’est une mission impossible pour nous. Notre enfant a acquis la marche avec des chaussures orthopédiques vers l’âge de 5 ans.)
L’intégration dans la structure a pu se faire progressivement. Au départ, notre enfant était demi-pensionnaire, puis il a été interne une nuit par semaine puis 2 nuits… Maintenant, il est interne de quinzaine. Nous revivons ! Le hic, c’est la prise en charge quand sa structure ferme. A 16 ans, il vit comme un petit de 18 mois : il ne parle pas, porte encore des couches nuit et jour, explore le milieu qui l’entoure. Il a grandi et une personne ne suffit pas à s’en occuper. Aller au supermarché seul avec lui est inenvisageable : il déballe tous les paquets de gâteaux où l’image l’attire, il déambule partout, c’est une surveillance permanente. Sortir à la piscine est aussi très compliqué : il faut être deux, pendant que l’un paie, l’autre l’occupe… La moindre sortie à l’extérieur de la maison est source d’angoisse. Résultat, il passe beaucoup de temps à la maison, se fait raconter ses histoires préférées, regarde la télévision et joue avec ses jouets sonores. La maman travaille à trois-quart temps maintenant et elle pense être en vacances quand elle travaille tellement la garde de son enfant pendant ses vacances la vide de son énergie.
La venue de cet enfant dans notre vie a changé notre rapport aux personnes handicapées. Nous sommes peut-être plus bienveillants. La gestion de la personne handicapée au quotidien est usante. Notre enfant est le dernier, il est arrivé après une fille et un garçon. Il a des relations tendres avec eux. Son frère et sa sœur ont de bonnes relations envers les personnes en situation de handicap. Néanmoins l’arrivée de cet enfant a bouleversé leur vie. Petits, ils ont eu parfois honte de leur frère qui ne faisait pas comme les autres. Maintenant, ils pourraient en avoir honte aussi mais ils semblent avoir accepté l’idée d’avoir un frère différent et ils s’en occupent bien. Ils sont plus autonomes actuellement, mais petits ils avaient du mal à comprendre que l’on ne puisse pas faire d’activités en famille telles que le vélo ou la sortie dans des parcs d’attractions.
Pour nous parents, il est difficile de concilier les activités des uns avec la présence d’une personne handicapée. La maman est souvent sollicitée pour garder le jeune pendant que les autres vont faire du vélo ou font des sorties sans lui. Nous ne cherchons pas à l’exclure mais il n’est pas forcément bien dans un univers qu’il ne connaît pas et peut faire des crises d’angoisse.
Pour moi, la maman, j’ai le sentiment d’avoir perdu une partie de ma liberté à l’arrivée de ce bébé : quand il est à la maison, je suis sans cesse en train de calculer comment je vais pouvoir m’organiser avec lui. Son frère (mon autre fils) m’aide beaucoup, et je lui en suis infiniment reconnaissante, mais je pense que c’est lourd pour lui.
Pour l’heure, je me suis mise à la recherche d’une personne qui pourrait m’aider à s’en occuper, je vais faire appel à une association de services.
Pour conclure, nous avons grandi avec le handicap de notre enfant et nous nous sommes adaptés plus ou moins bien au fur et à mesure de l’évolution ou plutôt de “l’inévolution” de sa maladie mentale. A l’heure actuelle, nous avons accepté d’avoir cette charge mais il nous a fallu du temps pour l’assimiler. Notre enfant est tel qu’il est : rayonnant, se laissant porter par les événements, très câlin, muet, gentil, curieux, gourmand, attachant…c’est notre fils ! Mais il est aussi usant et sans sa prise en charge par une structure, nous ne savons pas comment nous aurions pu gérer ce handicap.
linam – Haute Loire
Découvrir le handicap de son enfant et vivre avec au jour le jour