Veuillez m’excuser, je n’arrive pas à écrire d’une façon synthétique, c’est une expérience qui suscite encore en moi de fortes émotions car c’est la deuxième fois que cette ville a des pratiques de discrimination « mine de rien »…
Après 10 ans d’accompagnement inclusif, cinq ans d’accueil partiel (12h/semaine) à l’école, deux années d’IME (1,5j/s) je suis familière des résistances, des peurs qu’ont les personnes et les structures à accueillir ma fille aujourd’hui âgée de 12 ans, polyhandicapée, en bonne santé qui marche avec accompagnement. Donc lors du premier entretien, j’ai passé deux heures à poser toutes les recommandations, à rassurer, à être claire sur mes demandes ….Pendant deux ans, j’ai eu une attitude très conciliante. N’exigeant rien : ni sortie à la journée, ni sortie à la piscine, acceptant les dates proposées ( 2/3 matinées par semaine). Il était important pour nous de trouver un lieu où notre fille soit en présence d’autres enfants puisqu’elle n’est plus accueillie ni à l’école ni en IME. Mon souhait était qu’on accompagne physiquement Elsa par la main dans la marche. J’avais donc bien spécifié que cela était fatiguant, bien placée pour le savoir car je le fais tous les jours et donc, j’avais demandé que l’auxiliaire soit une personne physiquement forte et patiente. Ils ont attribué une femme de ménage d’une cinquantaine d’années à laquelle ils devaient trouver de nouvelles heures de travail précédemment supprimées. Leur argument était qu’elle avait un diplôme d’AMP mais elle n’avait pas exercé ce métier depuis plus de 15/20 ans. Certes attentionnée et patiente, mais Elsa s’est souvent retrouvée par terre à genoux jusqu’à avoir une blessure par frottement qui a mis plus de trois semaines à cicatriser et dont la cicatrice est indélébile. Par surprotection et pour ne pas déranger les autres enfants, on exclut Elsa du match de foot (qu’elle adore) pour ne prendre le risque qu’elle reçoive le ballon en plastique. On finit par la bloquer sur la touche avec les freins de son déambulateur toute la matinée alors qu’elle essaye d’avancer, sans aucune correction posturale. On me ment sur les raisons du non accueil d’Elsa : « c’est une matinée consacrée aux grands jeux ». Quelles que soient les activités de toute façon elle n’y participe pas comme les autres, et clairement elle préfère les grands jeux où les personnes bougent aux activités manuelles sur table. Au bout de deux ans on n’a donc pas encore intégré ce qu’elle aime… En exigeant cependant l’accueil sur ce temps là, il sera finalement possible.
L’accueil d’Elsa ne répond pas à ses besoins ni aux nôtres, mais à ceux de la collectivité. Un jour, Elsa est restée toute seule toute la matinée, tous les autres enfants étant partis au gymnase pour la demi-journée. La responsable du groupe, ce mois-là, une éducatrice spécialisée (!!) et l’auxiliaire ont pensé qu’elle ne pouvait pas prendre le car, sans pour autant m’interroger la veille. Ma fille n’a ni fauteuil roulant, ni coque, ni d’orthèses. Jusqu’à maintenant, lors des sorties, il restait toujours un groupe d’enfants notamment les plus jeunes 3/5 ans mais cette fois ces derniers étaient dans une autre école. Il a fallu du temps pour qu’ils acceptent que notre psychologue spécialisée en remédiation cognitive puisse observer Elsa au milieu d’autres enfants au centre. Celle-ci aurait pu les accompagner vers une meilleure compréhension et des stratégies éducatives mais elle n’a pas senti une seule ouverture de leur part pour qu’elle revienne. Un tarif maximum de 22 euros m’est appliqué (alors que je suis non imposable) parce que nous n’habitons pas la ville en question mais dans un village de 500 habitants dans une intercommunalité rurale où la plus grande ville située à 10 km de mon domicile comprend 4000 habitants. Cette sous-préfecture comprend 17000 habitants et c’est notre bassin de vie : nous y venons tous les jours pour tous nos achats, nos sorties, voir ma belle-mère… Au départ, j’avais contacté l’intercommunalité qui gérait les TAP de l’ancienne école d’Elsa et qui organise un service de transport dans cette commune pour que les enfants puissent aller aux activités de loisirs. Ils se sont concertés et ont préféré que ce soit la ville qui accueille Elsa, prétextant que les activités étaient plus adaptées. Je n’ai rien dit pour ne pas être en opposition. Je sais que ma fille préfère être à l’extérieur et que ça bouge plutôt que des ateliers sur table car elle n’a pas de motricité fine. Ces activités auraient pu être intéressantes mais il aurait fallu que sa psychologue donne des conseils pour cadrer Elsa. Je paye le tarif journée complète pour trois heures d’accueil car il n’existe pas de demi tarif. Je fais donc 60km pour avoir deux heures de temps « libre » à la maison. En fait contrairement aux souhaits que j’avais exprimé lors de la première réunion, il n’y a jamais eu de concertation, de progression, d’implication alors que les progrès et le désir d’Elsa étaient flagrants. Ces gens qui se contentent du minimum pour respecter la loi. Certes, ils accueillent d’autres enfants porteurs de handicap mais encadrés par les éducateurs de leur IME et quelques autres aussi plus autonomes. Ils ne disent pas non, mais ils ont toute une stratégie pour nous décourager : la présence d’une auxiliaire a dédouané l’équipe de prendre en compte Elsa, certains animateurs ne savaient même pas de qui il s’agissait, des frontières géographiques archaïques qui nous pénalisent injustement, des peurs qui sur-handicapent l’enfant. On a peur qu’elle se prenne le ballon mais on la laisse sur les genoux jusqu’à ce qu’elle ait une plaie. Tout devient compliqué : les repas, les sorties… Du personnel inadapté mais qui arrange la gestion interne de la municipalité, aucune co-construction de l’accueil, aucune évolution. Comme me l’avais dit l’élue, aujourd’hui sénatrice « le handicap de Elsa est le maximum accepté pour l’accueil au CLSH ». Ils la prennent car ils ont bien vu qu’elle était proche de la marche autonome et qu’elle n’a pas de problème de santé. La limite de leur prise en charge est qu’elle ne “retarde” pas le groupe. (dixit).
J’ai fini par arrêter de l’emmener car finalement c’est limite maltraitance et cela ne me libère que trop peu de temps par rapport aux soucis, transport et coût. Quand nous croisons notre interlocuteur, le responsable des Centres de Loisirs, il fait mine de ne pas nous voir. Cela résume tout.
Bethsa – 72
Chère Bethsa,
Votre commentaire m’a particulièrement touché, J’ai moi même laissé mon témoignage, le 16 Janvier “Matéo 16 ans, sans place dans notre société”, et décider de lire tout les témoignages. Il est une chose d’être victime soit même d’une injustice, il en ai tout autre quand il est question de notre enfant. Il faut être particulièrement fort. On sent votre force à travers tout vos effort pour qu’Elsa s’épanouisse , vous êtes sans conteste une super maman, face à l’indifférence généralisée.
A travers ce site, notre ministre veut je pense, avoir un état des lieux de la situation, il y a du positif, ici et là grâce à des élus impliqués localement, la bonne personne qui fait la différence, mais des situations qui font froid dans le dos.
Comment changer les mentalités? Comment faire pour que notre société soit plus humaine?
La plupart de nos concitoyens ignorent ce que nous vivons, de notre coté nous sommes bien trop occupés au quotidien avec nos enfants pour changer le monde, c’est aussi très difficile ce que nous vivons et difficile à écrire.
J’aimerai que tout les parents se réveillent et inonde ce site de leur témoignage, le bon comme le moins bon ou le pire, puis envoient le lien à leurs élus, établissements, ARS, MDPH, voisins, amis, famille….pour une prise de conscience généralisée, qu’ensemble nous pouvons aller vers une société plus juste? peut être, je garde la foi en l’humain. Essayons.
Si vous le souhaitez, vous pourrez me contacter en envoyant un message à l’association “Un Autre Chemin pour apprendre”
Courage
Catherine