Antoine avait 7 ans lorsque j’ai voulu l’inscrire au centre de loisirs de notre commune; un centre qui arborait fièrement l’intitulé “accessible aux enfants handicapés”. Pour être bien certaine que mon fils pourrait être accepté, j’ai appelé le secrétariat qui m’a bien confirmé qu’Antoine pourrait être accueilli après un entretien avec la directrice. Le cœur battant, je suis donc allée remplir une fiche d’inscription; sur la partie “informations complémentaires”, je stipulais que mon fils était dépendant d’une tierce personne sur tous les gestes de la vie puisqu’il souffrait d’un handicap moteur grave qui le coinçait dans une coque rigide, installé dans un fauteuil roulant. Je mentionnais également qu’ Antoine souffrait d’une épilepsie stabilisée certes mais qu’il fallait donc un protocole particulier de soins s’il y avait une crise. Le lendemain, la secrétaire me rappelait, presque en colère “nous ne pourrons pas accueillir votre enfant car il est trop handicapé; vous vous rendez compte de la complexité de votre situation!”.
Je me revois comme si c’était hier, le téléphone à la main, les jambes tremblantes, j’ai raccroché ne voulant même plus argumenter; c’est déjà ce qu’on fait toute notre vie avec un enfant handicapé. La secrétaire me reprochait clairement d’avoir fait la démarche. Comment avais-je pu un seul instant envisager que mon fils TROP handicapé pourrait venir jouer avec des copains dans un centre de loisirs ? J’étais anéantie mais je voulais trouver une solution car Antoine est dans un établissement spécialisé toute la semaine et il ne côtoie pas les enfants valides. Pour moi, il n’est pas connecté avec le monde réel et ce n’est pas normal.
J’ai alors rencontré Loisirs Pluriel; je peux dire aujourd’hui que ça a été ma bouée de sauvetage, non seulement pour créer une structure près de chez nous, mais pour tout le réseau de gens bienveillants qu’elle m’a fait découvrir. Et lorsqu’on rencontre des personnes pleines de belles énergies, on s’en retrouve remplie soi même !
Loisirs Pluriel m’a redonné des forces incroyables au point qu’aujourd’hui avec des mamans qui me ressemblent, nous avons réussi à importer le concept jusqu’en Isère à Fontaine ! Nous avons mis 3 années à ouvrir un centre Loisirs Pluriel qui a été rempli en 3 mois ! Aujourd’hui 64 enfants inscrits dont la moitié porteurs de handicap ! Mais aujourd’hui je suis en colère car si la solution Loisirs Pluriel est une évidence pour nos familles, nous comptons 30 familles sur liste d’attente sur notre structure locale. Comment aujourd’hui cette solution n’est toujours pas actée dans les plans communaux ? Il en relève pourtant des compétences communales sur ce plan. On devrait intégrer naturellement et avec évidence de tels projets dans les directives Enfance et Jeunesse. En Isère nous sommes plus de 4000 familles percevant l’AEEH ! Combien de temps encore l’État va fermer les yeux sur notre existence et nos réalités ?! Nous ne demandons pas plus que ce dont toute famille bénéficie. Juste des moyens pour que nos enfants puissent grandir, apprendre et vivre au milieu, avec et à travers leur relation aux enfants valides.
Servane – Isère
Il n'y a pas de petite vie, toute vie mérite de s'y intéresser, de s'interroger sur les moyens à développer pour que chacun existe pleinement avec ses spécificités.